Édit du 15/08/2017 : Je rapatrie cet article aujourd’hui, car finalement, je le trouve plutôt d’actualité : nous sommes en pleines vacances scolaires, celles qu’on nous envie tant ! Et pourtant, bon nombre d’entre nous ont déjà repris le travail (certains n’ont pas arrêté, les fous 😂) pour préparer cette nouvelle année scolaire. Je me suis dit que cet article pourrait venir apaiser de nombreux collègues qui se tuent à la tâche, ne comptant pas leurs heures, préparant parfois malheureusement des burn-out de plus en plus fréquents dans notre profession et culpabilisant de ne jamais en faire assez aux yeux de la hiérarchie. Notre point d’indice est à nouveau gelé, on parle d’annualiser nos 1607 heures et de nous faire « venir travailler pendant les vacances » (sous-entendu encore une fois que nous ne faisons pas nos heures)… Je dédie donc cet article à tous mes chers collègues et de manière plus large à toutes les personnes, du privé comme du public, dont le travail prend une telle place dans leur vie qu’elles s’en rendent malades, qu’elles en mettent de côté leur vie de famille, qu’elles s’oublient… On travaille pour vivre mais on ne vit pas pour travailler ! Personne n’est irremplaçable et dites-vous bien que si demain vous n’êtes plus là, le monde continuera de tourner, alors déculpabilisez et gardez-vous du temps pour vous, car ça, personne ne le fera pour vous ! 😘
Autre précision : Cet article n’est pas là pour nous faire plaindre, pour dire que nous sommes les seuls à faire des heures supplémentaires bénévolement (et malheureusement, c’est bien trop souvent le cas dans de nombreux métiers qui comptent sur notre conscience professionnelle ou la peur du licenciement). Il est seulement là pour essayer d’aider les gens à ne plus nous voir comme des fainéants. 😄
Édit du 30/09/2014 : Petite précision car je vois de nombreux commentaires « précisant » que nous sommes payés 10 mois sur 12. C’est une légende URBAINE : Nous sommes payés pour 12 mois travaillés ! Et d’ailleurs cette légende urbaine est très vicieuse car elle sous-entend qu’on ne travaille pas autant que dans les autres métiers, mais c’est faux, comme je viens de le démontrer, nous faisons annuellement et officiellement (puisque officieusement c’est bien plus), le même nombre d’heures qu’un temps complet dans un autre métier ! Donc heureusement que nous sommes bien payés pour 12 mois de travail ! Ce qui compte c’est le temps de travail annuel. Que ce temps de travail soit réalisé sur 12 mois, 10 mois ou 6 mois, c’est la même chose ! La seule différence va se trouver au niveau du nombre d’heures par semaine qui sera plus important si on ne travaille que sur 10 mois que si on travaillait sur 12 !
Une fois n’est pas coutume, pas de dessin ou de partage de document ! Aujourd’hui, c’est une réflexion sur notre métier que je partage avec vous.
J’en suis venue à ça, suite à la demande de mise en place d’une 1/2 journée de consultation sur les nouveaux programmes. Chez nous, c’est le mardi après-midi. Dans mon école, on termine à 15h30 avec les nouveaux rythmes et lorsque la question a été posée, on nous a fait comprendre qu’on n’allait pas chipoter pour 1h.
Ajoutez à ceci, les réflexions que l’on prend à chaque fois qu’on parle de notre métier :
– Oh ça va, vous êtes toujours en vacances/en grève (ça dépend des circonstances) !
– T’es fatiguée ? Ça va quand même, t’es prof, y a pire !
– Bon allez, la première année, t’as du boulot, mais après tu refais toujours la même chose…
– Notre hiérarchie flique nos heures de réunions, on nous fait signer des fiches de présence quand on assiste aux animations pédagogiques.
Bon, c’est vrai qu’on a beaucoup de vacances par rapport aux autres métiers puisque le tout cumulé, on arrive à 16 semaines (52 semaines – 36 semaines avec les enfants)…
Et puis, je me suis mise à faire des calculs pour voir ce que je faisais réellement comme temps de travail :
Ce temps de travail est défini dans le Décret n°2000-815 du 25 août 2000. Ce document précise également que ce temps de travail de 1607 heures est réparti en 3 catégories :
– Le temps d’enseignement (24 heures X 36 semaines = 864 heures),
– le temps de service obligatoire (3 heures par semaine annualisées, soit 3 X 36 heures = 108 heures : nos réunions entre maitres, nos conseils d’école, nos Activités Pédagogiques Complémentaires, nos réunions avec les parents, nos animations pédagogiques du mercredi après-midi…)
– et le temps de préparation ( 1607 heures annuelles – 864 heures de temps d’enseignement – 108 heures de service obligatoire = 635 heures dédiées à la préparation matérielle et écrite de la classe, aux formations choisies en dehors du temps de présence des élèves, documentation, recherche…).
A partir de ce simple constat, on voit déjà que pour le grand public, quasiment la moitié de notre travail est invisible, c’est le travail de l’ombre. Combien de fois nous a-t-on rétorqué que notre métier était tranquille avec 24 heures par semaine ?
Ensuite, j’ai ramené ces 1607 heures à nos 36 semaines avec les enfants : 1607/36 = 44 heures par semaine. Ceci veut dire que, si l’on ne fait STRICTEMENT RIEN concernant l’école pendant les vacances, il nous reste 44 heures à faire pendant les 36 semaines de classe.
Voici, pour ma part, le calcul de mon temps de travail par semaine :
Le lundi, j’arrive au plus tard à 8h30 à l’école (l’école ne commence qu’à 9 h). Étant à 30 km de chez moi, je reste à l’école entre 12h et 13h30. Je ne prends que 15 minutes pour manger, le plus souvent, je travaille en même temps. J’utilise ce temps pour corriger les cahiers, faire des photocopies, m’occuper de la direction, ranger la classe des activités du matin et préparer le matériel pour l’après-midi, enregistrer les livres de la bibliothèque… Il y a toujours quelque chose à faire. Le soir, je termine la classe à 16h30, mais le temps de ranger la classe/l’école, refaire quelques corrections, préparer ce dont je vais avoir besoin à la maison pour travailler (manuels, fichiers, cahiers…), je ne pars jamais avant 17h30. Je suis donc le lundi à 9 heures de travail minimum.
Le mardi, le jeudi et le vendredi, c’est la même chose mais je termine à 15h30 avec les nouveaux rythmes. Toujours pour raisons de rangement, discussion avec des parents, préparation de documents à emporter à la maison, je ne pars pas avant 16h30, ce qui fait des journées de 8 heures.
Le mercredi, j’arrive toujours à 8h30 et je ne repars pas avant 12h30 (parents en retard pour récupérer les enfants à 12h pile, ce n’est pas un reproche, un simple constat, rangement de l’école et préparation de ce que je dois emporter à la maison). Le mercredi je suis donc à 4 heures de travail.
Petit point dans mon calcul, en temps de présence sur mon lieu de travail, l’école, j’en suis donc à 9 heures (le lundi) + 3 X 8 heures (les mardi, jeudi et vendredi) + 4 heures (le mercredi) = 37 heures par semaine. (et ce temps est un minimum, c’est bien souvent que je reste beaucoup plus tard à l’école)
Lorsque nous sommes passés à la semaine de 4 jours, nous avons « perdu » 3 heures de travail devant les enfants. Bien entendu, si les enfants ne font plus ces 3 heures, nous, nous les faisons, ce sont les 108 heures annualisées. Dans ce cadre, le mardi après-midi de 15h30 à 16h30, je fais toute l’année 1 heure d’Activités Pédagogiques Complémentaires. J’en suis donc à 38 heures par semaine.
Il me reste donc 6 heures par semaine pour préparer la classe. Le calcul est vite fait, ça me laisse 1 heure de travail par jour à faire à la maison (et donc 1 heure dans TOUT le weekend ! Mouahahahaha, je me marre).
Donc, d’après ces simples calculs, voilà mes conclusions :
– Je n’ai plus d’heures à consacrer : aux réunions avec les collègues, aux animations pédagogiques, aux conseils d’école, à la mairie, aux parents soit : 108 heures – 36 heures (le temps des Activités Pédagogiques Complémentaires que je fais 1 heure par semaine) : 72 heures.
– Je ne devrais absolument JAMAIS travailler pendant mes 16 semaines de « congés », mon temps de travail annuel étant déjà effectué.
– J’explose les 6 heures de préparation à la maison, il m’arrive très souvent de faire ces 6 heures rien que sur mon dimanche ! Et bien entendu, tous les soirs, en rentrant de l’école, je continue de travailler et régulièrement jusqu’à tard dans la soirée.
Les deux derniers points sont les plus injustes puisque personne à part nos conjoints ne nous voit travailler quand nous sommes chez nous, et pourtant, ces heures sont bien celles qui sont les plus importantes !
Je fais donc chaque année, de manière OFFICIELLE, 72 heures supplémentaires qui ne me sont pas payées, c’est en quelque sorte du bénévolat !
Je fais donc chaque année, de manière OFFICIEUSE, un nombre incalculable d’heures supplémentaires à chaque fois que je prépare quelque chose pour l’école au-delà de 19h30, plus d’1 heure le dimanche, pendant les vacances scolaires.
Depuis des années, nos dirigeants comptent sur notre conscience professionnelle et l’amour de notre métier…
Et pourtant, on continue de nous fliquer toujours plus, de nous demander toujours plus d’heures comme si nous devions justifier notre salaire (qui finalement est bien en dessous de ce qu’on devrait nous verser) ! Nos salaires sont gelés depuis plusieurs années maintenant. On nous fait sans cesse passer pour des fainéants, payés à ne rien faire, toujours en vacances ou en grève.
On réduit notre travail à de l’animation voire à de la simple garderie.
Notre métier nous l’aimons, c’est certain, et c’est peut être ça que nous envient finalement beaucoup de gens (bien plus que les vacances selon moi). Cela justifie-t-il le mépris que l’on nous porte ? Cela justifie-t-il qu’on nous en demande toujours plus pour toujours moins ? Je ne crois pas. J’espère que ce message que je partage avec vous fera peut-être revoir à certains leur vision de notre métier… Même si, après seulement 6 ans dans le métier, je n’ai déjà plus trop d’illusions de ce côté là…